Ce week-end riche en événements est l’occasion idéale pour faire un point sur la discipline de l’école.
Sachez d’abord que l’alcool, le sexe, la drogue et, plus globalement, tout ce qui procure à la vie son intérêt est légitimement interdit à Kunyu Shan.
Il y a globalement trois points de vue à propos de la discipline de l’école : ceux qui pensent qu’elle est trop laxiste, ceux qui pensent qu’elle est trop dure, et moi, qui pense qu’elle est bien comme elle est.
Je ne veux pas prendre partie dans ce délicat débat, mais je peux en revanche vous conter l’histoire de mon ami Benjamin :
Au commencement, c’est-à-dire vendredi dernier, mon ami Benjamin a effectué deux sparrings qui ont été unanimement appréciés, que ce soit par les étudiants ou les Sifus (les profs, en chinois). Benjamin dispose en effet d’un fort esprit de compétition, ce qui est une bonne chose puisque cela lui permet de progresser relativement vite.
Mon ami Benjamin, sûrement assez fier de ce succès, décide le soir même de s’offrir une juste récompense en allant se détendre dans le « café-bar » situé à deux pas de l’école. En alcool, le bar propose soit une bière (4°), soit de l’eau de vie locale, la Brandi (40°). Puisque Benjamin est raisonnable, il choisit évidemment une bière.
Pendant la soirée, un jeu se met en place. Les règles me sont restées obscures, mais il me semble qu’à chaque tour, le perdant avait pour mission de boire. Comme je l’ai dit, Benjamin dispose d’un fort esprit de compétition, et il décide, sans vraiment qu’on sache pourquoi et alors que tout le monde était à la bière, d’élever le niveau en passant à la Brandi.
Malheureusement, la mauvaise chance au jeu et les 40 degrés de la Brandi auront bientôt raison du courage et de l’ardeur de Benjamin, qui perdra rapidement conscience à la table même du bar.
A Kunyu Shan, même les rebelles doivent être rentrés pour l’heure du coucher fixée à 22h le week-end, et Benjamin n’était plus en état ni de rentrer dans sa chambre, ni de lire l’heure, ni même de comprendre quoi que ce soit. A Kunyu Shan, comme le dit Master Guo, nous formons avant tout une famille, et c’est parce que nous sommes une famille que deux étudiants ont pris le soin de ramener ou, plutôt, de transporter Benjamin dans sa chambre, sans éveiller la curiosité que pourraient avoir les Sifus à l’égard de son état.
Les deux étudiants déposent donc Benjamin dans son lit avec un amour qui n’a rien à envier à l’amour maternel, et on pourrait penser que l’histoire s’achève sur cette fin heureuse.
Mais c’eût été sans compter sur le fait que Benjamin soit tout de même quelqu’un d’un peu tourmenté, y compris dans son sommeil, et qu’il se mettrait inexplicablement à crier, attirant l’attention bienveillante de deux Sifus, qui se précipiteraient dans sa chambre pour l’assister et découvriraient, affolés, Benjamin dans un état d’ivresse comateux.
On dit souvent qu’un Cachou est efficace pour faire descendre le taux d’alcool, mais on oublie trop souvent la technique du « coup de poing dans le bide », et c’est bel et bien à coups de coup de poing que les Sifus essayent de réanimer Benjamin, lequel tentera de nier l’évidence en clamant, non sans malice : « I am not drunk, I am French ! »*.
Comme on l’aura compris, Benjamin aime la compétition, même lorsqu’il est bourré, c’est donc naturellement qu’il essaye vaguement de balancer un coup de poing à un des Sifus en criant « Fuck you Sifus »*, qui eux mêmes répliquent à coups de bâton et de poing.
Benjamin est quelqu’un de vaillant, mais, seul contre les deux Sifus et les 40 degrés de la Brandy, il ne pouvait que succomber, pour se réveiller le lendemain avec plusieurs bleus et un sérieux mal de crâne.
Il reprendra six coups de bâton pour les « Fuck you », quatre autres au line-up du mardi d’après devant les autres élèves, et écopera d’une sanction l’obligeant à balayer une partie de la cour pendant un mois.
Je vous laisse maintenant vous faire votre propre opinion sur la discipline au sein de Kunyu Shan.
PS : Je n’étais pas avec Benjamin ce soir-là, mais, dès que j’ai appris la nouvelle, j’ai évidemment accouru afin de prendre des photos de ses blessures pour mon blog :
Pour la cuisse droite, la photo a été prise juste après les quatre coups de bâton matinaux, ce qui explique la prépondérance de rouge et l’absence décevante de bleu ; il est à noter que les proportions chromatiques tendront par la suite à s’inverser :
En ce qui concerne le front, après avoir tenté de reconstituer la soirée, nous avons conclu que Benjamin ne s’est pas pris un coup de bâton en pleine tête, mais plutôt qu’un coup de bâton l’aurait fait voler dans l’armoire située à côté du lit, armoire contre laquelle il se serait explosé la tête :
* : véridique